Réforme des retraites : Pour le gouvernement, une certaine idée de la jeunesse.

Des économistes et spécialistes l’ont parfaitement démontré : cette réforme est inutile. Elle n’a pas vocation à “sauver notre système par répartition” mais plutôt à contrôler les dépenses publiques pour financer une politique fiscale extrêmement dispendieuse, au profit notamment des grandes entreprises et des français les plus fortunés. Une fois qu’on a dit cela, il apparaît alors plus clairement la vision que le gouvernement a de la jeunesse.

Il ne semble encore une fois ne pas comprendre, ou ne pas vouloir comprendre, après des alertes, des manifestations, des mobilisations coup de poing, que notre génération est plus préoccupée par la raréfaction des ressources naturelles, la destruction de notre biodiversité, les changements radicaux du climat que par une hypothétique et très contestée explosion du déficit de la caisse des retraites. Alors que l’urgence climatique va peser à très court terme sur nos conditions de vie, comment peut-on enjoindre à la jeunesse de travailler deux ans de plus ? 

Dans notre société où la production continuelle ne peut perdurer face aux dégâts qu’elle provoque sur notre planète, où le climat se détériore en raison de nos actions quotidiennes, où les crises sanitaires nous font prendre conscience de l’importance du bien-être personnel et psychologique : travailler plus, plus longtemps, n’est pas un message d’avenir et d’espoir pour la jeunesse. 

Mais il s’agit également de justice. Ce puissant sentiment qui nous anime et qui a construit notre modèle social. Car cette réforme défavorise considérablement les femmes, qui ont des carrières plus hachées et plus précaires et qui partiront plus tard encore à la retraite. Car elle dégrade la santé des travailleur·euse·s les plus pauvres. Car elle feint d’ignorer le caractère pénible de nombreux emplois. Mais nous disons aussi que cette réforme va à l’encontre de l’insertion professionnelle des jeunes et de leur émancipation sociale et économique.  En cela, elle brise un peu plus la justice intergénérationnelle qu’elle prétend sauvegarder. 

Par cette réforme, le gouvernement entend maintenir au travail un nombre conséquent de travailleur·euse·s séniors. Les études prouvent que cette réforme accroîtra la précarité de cette catégorie d’âge. Mais plus encore, elle va par le même mouvement freiner l’accès au marché du travail pour des jeunes qui peinent déjà aujourd’hui à s’insérer professionnellement. Pourtant, le chômage touche déjà 20% de notre génération qui est la plus précaire de toutes. Ces difficultés d’insertion professionnelle repousseront d’autant l’âge de départ à la retraite de ces jeunes. Quand aujourd’hui l’accession à un premier emploi est retardée par des stages sous-payés et dans lesquels nous ne cotisons pas, la saturation d’un marché du travail (où il y a encore plus de demandeur·euse·s d’emploi que d’offres) et les 43 annuités de cotisation nous amèneront à la retraite à taux plein à bien plus de 64 ans. 

Nous le disons depuis toujours. Pour favoriser l’emploi des jeunes, il faut réduire le temps de travail des actifs : l’avancement de l’âge de départ de l’âge de retraite, les 32 heures hebdomadaires, mais aussi des dispositifs d’accompagnement entre jeunes et séniors dans les entreprises… 

Mais ces régressions s’articulent dans un plan de réformes plus large que le gouvernement a malheureusement mené depuis 5 ans envers la jeunesse : en restreignant l’accès aux études supérieures par une sélection toujours plus dure, en refusant l’accès au RSA pour les moins de 25 ans, en imposant au monde associatif et militant le SNU comme seule voie d’engagement jeune… Ce gouvernement réserve les études supérieures aux jeunes issus de milieux favorisés en privant les plus précaires d’un filet de sécurité nécessaire et utile pour rebondir. Il dessine une jeunesse qui n’a d’horizon d’épanouissement et d’émancipation que dans le travail. Les plus chanceux (en réalité cela n’a rien à voir avec la chance) finiront comme des modèles de la start-up nation ; les autres seront livreurs ubérisés. Ce n’est pas notre jeunesse.

Cette réforme est donc, profondément, le symptôme – s’il en fallait un de plus – de l’effondrement de la justice intergénérationnelle et d’une “certaine idée de la jeunesse”. En repoussant l’âge de départ à la retraite de deux ans, elle fait contribuer davantage les nouvelles générations, celles qui arrivent sur le marché du travail, à supporter le poids d’un système soi-disant « arrivé à bout de souffle ». Et finalement très peu ceux qui ont pu déjà en profiter. Pourtant les voix ne manquent pas pour proposer de mettre à contribution les retraité·e·s aisé·e·s ou les entreprises qui ont dégagé des superprofits ces dernières années.

Parce que nous ne nous contentons pas de dresser des constats, Allons Enfants propose de rétablir pleinement la justice intergénérationnelle. Nous proposons ainsi de créer une nouvelle branche de la sécurité sociale pour la jeunesse, afin de mettre en place une allocation universelle en faveur des jeunes étudiant·e·s. Nous voulons reconnaître la formation et les études comme un véritable pré-travail, qui mérite une rémunération. Nous voulons ainsi permettre à chaque étudiant·e d’expérimenter, de chercher sa voie, de commettre des erreurs et de rebondir. Dans le même temps, cette allocation suppose également l’élargissement du RSA pour les moins de 25 ans, pour constituer un filet de sécurité pour celles et ceux qui ne sont ni en emploi, ni en études. Pour financer ces dispositifs qui insuffleront à nouveau un modèle de justice intergénérationnelle, les idées ne manquent pas.


Pour continuer le combat pour une véritable justice intergénérationnelle, Allons Enfants appelle à se joindre aux mouvements sociaux organisés par les syndicats, notamment les 7 et 11 février prochains.

Maïalen Mallet

Déléguée nationale au Think Tank d'Allons Enfants

Pierre Lehembre

Président d'Allons Enfants

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