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Uniforme à l'école : Préférer le fantasme aux solutions​ - Allons Enfants

Uniforme à l’école : Préférer le fantasme aux solutions​


Uniforme à l’école : Préférer le fantasme aux solutions​

La campagne pour la présidence du parti Les Républicains, accompagnée par des éditos publiés dans la presse de droite, a été l’occasion de relancer l’habituel débat sur l’uniforme obligatoire dans les écoles. Allons Enfants affirme sa ferme opposition à une mesure qui contraint la jeunesse, tant dans sa liberté que dans son identité.

Au cours du débat qui opposait les trois candidats ce 22 novembre, l’uniforme dans les écoles, et même dans les universités, nous a été présenté comme une voie d’ordre et d’égalité. Rien n’est moins vrai. L’uniforme des élèves ne supprime pas les inégalités et les rapports de domination, il ne fait que les masquer, et en cela il les minimise et les valide. Pourtant, c’est à l’école qu’on côtoie pour la première fois l’hétérogénéité du corps social, qu’on appréhende la mixité sociale. C’est à l’école que la jeunesse s’enrichit des différences de ses camarades de classe, de leur culture, leur origine, leurs goûts, leurs préférences. Avec l’uniforme, l’inégalité subsiste tout en étant niée dans la forme. Et nier une inégalité revient à prendre son parti.

Pire, nous affirmons ici que l’uniforme exacerbe davantage les inégalités apparentes en imposant une tenue identique dont l’achat en début de scolarité (qui dans les écoles où l’uniforme est aujourd’hui de mise, revient aux familles) dépendra nécessairement des capacités économiques familiales : la qualité, les vêtements de rechange, l’usure en seront des marqueurs significatifs. Les enfants se concentreront alors sur les “détails” non compris dans l’uniforme : le sac, les chaussures, la marque des vêtements non pris en charge… Autant de détails qui alimenteront les habituels phénomènes d’exclusion et de harcèlement scolaires. À moins que la proposition des candidats à la présidence LR soit que l’éducation nationale fournisse à chaque enfant, pour chaque âge et chaque taille – dans une période où la croissance des jeunes gens est rapide – tous les équipements pour invisibiliser les inégalités, jusqu’aux stylos et classeurs, ce projet est invraisemblable et irréaliste.

L’école est censée apprendre à devenir un individu intégré dans une société aux pluralités d’identités, non à le formater dès le plus jeune âge. Le rejet de la liberté de s’habiller tel que nous l’entendons, c’est un rejet de l’identité-même de l’individu. Non content de forcer chaque individu à renier ses origines et sa culture, l’uniforme impose un style vestimentaire stéréotypé, essentialisant et genré. Le port d’un uniforme genré implique une vision binaire des genres et l’instauration de stéréotypes vestimentaires en guise de conformité générale et absolue. En particulier, il fige l’identité de genre des jeunes en imposant la binarité du style vestimentaire. Alors que la jeunesse est dans une phase socialisante extrêmement importante dans la manière dont elle appréhendera le monde, la justice, et son identité de genre, l’uniforme brusque l’individu dans son rapport à lui-même ainsi que dans son rapport aux autres. L’uniforme porte inévitablement l’idée selon laquelle nous ne nous habillons pas comme nous le souhaitons.

Contrairement à ce que nous pouvons entendre, rien n’indique que l’uniforme permette une meilleure intégration,  ni même une meilleure cohésion. Non seulement l’uniforme ne règle aucun problème fondamental d’inégalité face à l’éducation, mais il muselle l’expression culturelle et la personnalité en général. Il crée un esprit de communauté factice, une sorte de « on est tous dans le même bateau » qu’il faut porter sur ses épaules dès le plus jeune âge. En dehors de raisons circonstancielles, pour des raisons de sécurité ou d’hygiène, l’uniforme scolaire et ses promesses n’ont rien à offrir, si ce n’est leur caractère intrusif et mensonger. Spectre d’une communauté nationale qu’il faudrait sans cesse susciter ou faire renaître, l’uniforme, à l’instar des paniques morales contre le “wokisme” ou “l’islamo-gauchisme” qui agitent régulièrement ce camp politique, traduit en fait l’absence de courage de celui-ci à traiter les débats de fond qui secouent véritablement l’éducation des nouvelles générations.

C’est peut-être ce qui nous consterne le plus dans l’orientation de ces débats : non-seulement est défendue-là une image déformée et fantasmée de l’uniforme, mais elle supplante de véritables propositions politiques pour répondre à l’inégalité entre les élèves et étudiant·e·s vis-à-vis de l’accès à l’éducation, au manque de moyens du service public de l’éducation et de l’enseignement supérieur, à la précarité étudiante qui touche 1 jeune sur 5, aux conditions dégradées de travail et de rémunération des enseignant·e·s ainsi que la pénurie de personnel qui en découle logiquement. Drôle de société, qui recrute à la radio des professeurs contractuels et qui veut y remédier en imposant l’uniforme à l’école.

Alors débattons de l’école ! Elle est l’une des plus précieuses de nos institutions. Elle a la lourde tâche de former de nouvelles générations de citoyen·ne·s : parlons de mixité sociale à l’école, de réforme des rythmes scolaires, de lutte contre le harcèlement scolaire, d’inégalités d’apprentissage et de niveau scolaire. Et laissons l’uniforme aux militaires, aux médecins et aux élèves de Poudlard.

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